Le Docteur Marie-Joelle MOZZICONACCI, responsable du Département de Biopathologie Cytogénétique et Biologie Moléculaire de l'Institut Paoli-Calmettes à Marseille revient sur l'histoire de la leucémie myéloïde chronique (LMC).
Une production LMC France.
En 1845, le médecin allemand Rudolf Virchow étudie le cas d’un patient souffrant d’une augmentation anormale de la rate, du foie et présentant un taux excessif de globules blancs dans le sang.
Pour Rudolf Virchow, le problème se situe au niveau de la moelle osseuse, siège de la fabrication du sang. Il donne à ce phénomène le nom de « leucémie », du grec leukos, "blanc".
Un siècle plus tard, en 1960, deux chercheurs américains de l’université de Philadelphie, Peter Nowell et David Hungerford découvrent sur le caryotype de patients atteints de LMC la présence d’un petit chromosome anormal qu’ils vont nommer « chromosome de Philadelphie » du nom de la ville où la découverte s'est faite.
C’est la première fois qu’une anomalie chromosomique est associée de façon spécifique à une pathologie hématologique.
Il faudra encore attendre 1970 pour pouvoir identifier clairement ce chromosome. Trois ans plus tard, à Chicago, le Docteur Janet D. Rowley réussit à montrer que cette anomalie résulte d’une « translocation », c’est-à-dire d’un échange de fragments génétiques entre un chromosome 9 et un chromosome 22, lors de la division cellulaire.
Au début des années 1980, les gènes impliqués dans cette translocation sont identifiés. Sur le chromosome 9, le gène s’appelle Abelson, noté « abl 1 » ; sur le chromosome 22, il s’appelle « bcr ».
Dans la leucémie myéloïde chronique, la translocation entre ces deux chromosomes conduit au rapprochement et à la fusion des gènes abl et bcr qui, à l’état normal, sont séparés. Cette translocation anormale donne naissance à un gène de fusion nommé « bcr-abl » qui produit une protéïne ayant une activité « tyrosine kinase » durable. Cette protéïne est responsable de la division incontrôlée des globules blancs. La conséquence moléculaire de cette anomalie génétique récurrente est l’emballement de cette protéïne qui active les autres protéines de façon débridée. C'est ainsi qu'une LMC se déclenche.
Pour empêcher cet emballement, en 1998, les laboratoires Novartis ont commercialisé un médicament anti tyrosine kinase qui va agir précisément au niveau de la protéïne abl1. Ce médicament est l'imatinib (Glivec). Il a révolutionné le traitement de la leucémie myéloïde chronique.
Depuis, d'autres médicaments sont disponibles pour soigner la LMC : en 2006 et 2007, le dasatinib (Sprycel) des laboratoires Bristol-Myers Squibb, le nilotinib (Tasigna) des laboratoires Novartis et enfin le bosutinib (Bosulif) des laboratoires Pfizer et le ponatinib (Iclusig) des laboratoires Ariad.