Paroles d'expert autour de la LMC

Le Docteur Delphine Réa

L’inclusion des patients dans les essais cliniques et l’annonce du protocole

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Delphine Réa lors de la conférence LMC France

Praticien hospitalier à l’Hôpital Saint-Louis à Paris depuis de nombreuses années où elle a achevé son internat en hématologie, le Docteur Delphine Réa est experte dans la LMC. Impliquée dans la recherche clinique, elle a participé à l’évolution de la prise en charge de la maladie et des patients au cours des dix dernières années.


« Inclure des patients dans un essai clinique est une démarche qui s’effectue la plupart du temps en ambulatoire et demande d’y consacrer du temps pour s’assurer de la bonne compréhension des patients.

 

Différentes situations sont possibles. Lorsque l’essai s’adresse à des patients lors de leur diagnostic, la situation est délicate pour le patient car il doit fait face rapidement à plusieurs annonces : celle de sa LMC et celle de se voir proposer de participer à un essai. Lorsque l’essai est proposé à des patients déjà traités, la situation est alors facilitée car la relation entre le médecin et le patient est déjà bien établie et ce dernier a déjà acquis des connaissances sur sa maladie.

 

En ce qui concerne la compréhension du consentement éclairé, c’est une situation complexe car nous devons nous adapter à différents profils de patients, à différents types d’essais (randomisés ou non par exemple) et à la qualité variable des consentements éclairés.
Par exemple, un consentement éclairé trop long ou dont le langage est mal adapté à celui du patient ne peut être entièrement décortiqué avec le patient en une seule consultation. Si le patient est ouvert à l’idée de participer à l’essai, nous lui fournissons alors les informations clés, nous lui remettons le consentement et lui proposons de le lire chez lui et de souligner ce qu’il n’a pas compris, puis prenons le temps de lui réexpliquer les points nécessaires lors de la consultation suivante.

Le patient peut alors décider ou non de sa participation en toute sérénité.

 

De plus, si certains consentements éclairés sont clairement rédigés, donc moins anxiogènes pour les patients, comme ceux de la plupart des protocoles académiques, ce n’est pas toujours le cas de ceux des protocoles industriels qui sont souvent complexes et anxiogènes du fait d’une longue énumération des effets secondaires possibles, tels que recensés à toutes les phases du développement du médicament.


La réponse à nos remarques sur la rédaction des consentements vis-à-vis des essais à promotion industrielle est souvent décevante. L’implication d’associations de patients et d’hématologues de terrain en amont de la soumission du protocole aux autorités de santé pourrait permettre d’améliorer la situation.

Définir quel essai, pour quel patient

Nous ne pouvons pas inclure 100% des patients dans les essais cliniques comme le souhaiterait l’INCa pour plusieurs raisons. Ce serait méconnaître la spécificité de chaque patient ainsi que les différents niveaux de pertinence des essais. Lorsque le médecin propose un essai clinique à un patient, il doit toujours s’assurer du bénéfice potentiel pour le patient et de sa compréhension.
Les essais cliniques ne sont pas toujours disponibles pour tous les patients. Les comorbidités freinent les inclusions : soit nous ne pouvons pas inclure le patient en raison des nombreux critères d’exclusion, soit nous ne voulons pas lui faire courir de risques compte tenu de sa fragilité.
Certains patients ne sont pas en situation de comprendre toutes les informations requises. Dans ce cas nous devons nous-même proposer ou non le protocole. Les patients diagnostiqués HIV sont exclus d’emblée de tous les essais cliniques. C’est une hypocrisie.

Point de vue sur les essais cliniques

La recherche clinique est un élément crucial pour faire progresser les traitements. Cependant, le médecin doit s’assurer de la pertinence de l’essai et du rapport bénéfice/risque avant de le proposer à un patient. C’est une question d’éthique médicale. Les essais cliniques doivent être menés dans l’intérêt exclusif du malade. Il faut savoir refuser un essai qui ne répondrait pas à ce critère.

Quel message souhaitez-vous transmettre ?

Les patients doivent savoir qu’ils sont libres de refuser ou d’accepter de participer à un essai et qu’ils ne seront pas moins bien soignés s’ils n’y participent pas. S’ils ne sont pas éligibles, si l’essai ne leur convient pas, ou s’ils doivent en sortir prématurément, tout cela n’affectera en rien leur prise en charge médicale. Il y a la plupart du temps d’autres choix de traitement. »

 


Extrait du Livre Blanc des États généraux de la LMC