- 2021 -
Praticien hospitalier, biologiste depuis plus de 20 ans dans le département de Biopathologie de l’Institut Paoli-Calmettes à Marseille, le Dr Marie-Joëlle Mozziconacci est responsable du laboratoire de Cytogénétique et de Biologie Moléculaire qui réalise les caryotypes et RQ-PCR de nombreux patients de la région PACA. Elle participe à des groupes collaboratifs nationaux et internationaux et est membre du conseil scientifique de LMC France.
Avant les années 90, la LMC était soignée par des traitements non spécifiques, tels que l’hydroxyurée ou l’interféron qui n’arrivaient généralement pas à faire disparaître complètement la translocation spécifique de la LMC sur le caryotype. Cet examen suffisait alors pour suivre l’évolution de la maladie.
Au début des années 2000, l’étude IRIS comparait le traitement standard, qui était l’interféron, avec l’Imatinib qui venait d’arriver sur le marché. Cette étude a très vite montré les avantages de ce nouveau traitement sur l’ancien et avec l’avènement de l’imatinib, (Glivec en France), premier inhibiteur de tyrosine kinase utilisé dans la LMC, nous avons vu disparaître les mitoses Philadelphie positives sur le caryotype. Il a donc fallu utiliser des méthodes plus précises que l’étude du caryotype pour suivre la maladie résiduelle. Les biologistes moléculaires ont mis en place la quantification du transcrit BCR-ABL et la standardisation des méthodes :
Si un patient doit se déplacer ou déménager, il faut que son suivi médical puisse être assuré même s’il change de laboratoire. Pour cela, chaque laboratoire fait ses analyses et pondère le résultat avec son propre facteur de conversion.
La décennie 2000-2010 a donc été celle de l’uniformisation des différents groupes de travail, à commencer par le GBMHM en France. En 2003, le programme européen « Europe Against Cancer Program » propose des protocoles standardisés dans la quantification des transcrits dans les leucémies dont la LMC.
Au niveau européen également, l’ELN, European Leukemia Net, constitué d’un panel d’experts européens, publie des recommandations européennes qui sont suivies en France (2006, 2013, 2020) dans lesquelles la biologie moléculaire a progressivement trouvé sa place puisqu’en 2006, elle n’apparaissait que dans la définition de la réponse suboptimale (pas de RM3 à 18 mois) ou du warning (pas de RM3 à 1 an) et uniquement sous imatinib.
A partir de 2013, elle apparaît dès l’évaluation à 3 mois quel que soit l’ITK utilisé, en 1ère ou 2ème ligne.
En 2012, N Cross et ses co-auteurs publient les définitions des réponses moléculaires (de RM3, réponse moléculaire majeure aux réponses moléculaires profondes RM4, 4.5 et 5) qui vont permettre de juger de l’efficacité du traitement et de proposer des arrêts de traitement.
Ces réponses tiennent compte de la qualité des prélèvements et sont liées à la capacité du laboratoire à utiliser des techniques suffisamment sensibles.
Au début du suivi, le panel d’analyses doit se faire sur sang et moelle.
Le suivi du caryotype se fait sur la moelle, pour voir les mitoses porteuses de la translocation.
L’analyse de sang est réalisée pour détecter le transcrit. La biologie moléculaire se fait toujours sur sang.
Sur le caryotype on peut voir s’il y a des anomalies qui se surajoutent à la translocation qui pourraient avoir un impact sur le pronostic et donc permettre d’adapter le traitement.
On doit faire un caryotype au diagnostic, et le refaire si le patient est en échec ou en perte de réponse lors du traitement.
Le stade actuel du suivi biologique n’est pas le fruit du travail d’un individu en particulier, c’est celui de groupes de travail nationaux et internationaux et les démarches collectives qui ont permis l‘évolution actuelle.
En mars 2020, les recommandations de l’European Leukemia Network (ELN) par rapport aux réponses cytogénétiques n’ont pas changé. On sait comment définir un échec ou une réponse optimale. Il n’y a pas eu de modifications parce que cette partie du suivi est bien établie. Ce qui est nouveau c’est que la publication de l’ELN précise la nature des anomalies cytogénétiques qui, si elles sont associées au chromosome de Philadelphie, peuvent représenter un risque élevé. L’adaptation du traitement est alors possible dès le diagnostic. Au niveau biologique, la perte de RM3 est considérée à tout moment comme une alerte.
Oui, en partie. Certains patients on fait des téléconsultations, ceux qui allaient bien n’ont pas forcément réalisé leur prélèvement à la date à laquelle ils devaient le faire. Par exemple, pour les prélèvements des patients résidant loin des hôpitaux, comme il y a eu moins de moyens pour transporter les prélèvements, les délais de réception ont pu être allongés et quelques prélèvements partiellement dégradés. Mais dès le déconfinement, tout est rentré dans l’ordre.
La biologie de la LMC reste un modèle en hématologie car en partant du gène impliqué dans l’anomalie, on a pu établir des traitements spécifiques et mettre en place des techniques pointues pour l’aide décisionnelle. La biologie moléculaire trouve toute sa place dans le suivi des traitements. En effet, elle a permis aux biologistes de progresser dans leur pratique et aux patients de bénéficier de traitements efficaces.
Voir l'interview du Pr F-X Mahon sur les recommandations pour l'arrêt de traitement dans la LMC
Voir l'interview du Dr Gabriel Etienne sur les recommandations pour le traitement de la LMC
Voir l'interview du Pr Joëlle Micallef sur la LMC et les génériques